Homélie du 13ème dimanche du Temps ordinaire
Abbé Jean Compazieu | 21 juin 2020Accueillir
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Dans l’Évangile de ce dimanche, le Christ nous adresse des paroles très fortes. Nous y trouvons trois éléments absolument essentiels : l’accueil, l’attachement à Jésus et notre rôle d’ambassadeurs du Christ.
Préférer le Christ ne veut pas dire que nous ne devons pas aimer nos proches. Ce qu’il attend de nous, c’est que nous lui donnions la première place. Quand le Christ a la priorité dans notre vie, il devient notre modèle. Nous aussi, nous pouvons aimer les autres de plus en plus à la manière de Jésus. Quand des jeunes fiancés décident de s’unir pour la vie, cela ne veut pas dire qu’ils renient leurs familles, leurs parents, leurs amis. C’est la même chose dans notre relation au Christ : le préférer c’est devenir capable d’aimer les autres en vérité. Lui-même nous recommande d’aimer Dieu de tout notre cœur et d’aimer notre prochain comme-nous-mêmes.
Quand saint Matthieu écrit cet Évangile, il s’adresse à des croyants qui devaient faire un choix difficile dans leur démarche de conversion. Bien sûr, ils étaient heureux d’adhérer au christ ; mais en même temps, ils étaient incompris et rejetés par les membres de leurs familles. Ce rejet pouvait aller jusqu’à la persécution. Mais, malgré les menaces, beaucoup ont choisi de rester fidèles à leur attachement au Christ.
Cette communauté primitive était composée de disciples itinérants et de sédentaires. Ces derniers étaient invités à accueillir les autres ; l’accueil est une valeur essentielle dans la religion juive : nous avons pu nous en rendre compte en écoutant la première lecture ; elle nous parle du prophète Élisée qui est accueilli par la Sunamite. Cette femme se montre généreuse car elle a reconnu en lui un homme de Dieu. Mais elle porte en elle une souffrance dont elle ne parle pas : elle n’a pas de fils et son mari est âgé. Avec beaucoup de délicatesse, elle lui promet ce fils qu’elle n’escomptait plus.
En écoutant ce texte de la Parole de Dieu, nous comprenons qu’accueillir l’autre c’est écouter ses confidences, partager ses joies et ses peines. Ce qui est important ce n’est pas la quantité et le luxe mais les qualités de l’accueil. Nous chrétiens, nous avons appris qu’à travers ces personnes que nous rencontrons, c’est Dieu qui est là, c’est lui que nous accueillons ou que nous refusons d’accueillir. N’oublions pas : c’est à nos qualités d’amour et d’accueil que nous serons reconnus comme disciples du Christ.
Dans sa lettre aux Romains, saint Paul nous parle du jour le plus important de notre vie, celui où nous avons été accueillis dans la grande famille des chrétiens. Nous l’avons compris, c’est du baptême qu’il s’agit. Actuellement, nous avons un peu de mal à nous en rendre compte. Mais il faut savoir que dans l’Église primitive, les nouveaux baptisés venaient d’un monde sans Dieu. Pour eux, la vie n’avait aucun sens. Mais Dieu les a rejoints et les a accueillis. Le baptême était pour eux une nouvelle naissance ; c’était une rupture radicale avec l’existence qu’ils avaient connue jusque-là. Au jour de notre baptême, nous avons été immergés dans cet océan d’amour qui est en Dieu, Père Fils et Saint Esprit. Désormais nous choisissons d’accueillir le Christ et de le mettre au cœur de notre vie.
Notre accueil du Christ et notre attachement à lui nous poussent à l’engagement missionnaire. Jésus qui nous appelle tous à marcher à sa suite n’est pas un maître parmi d’autres. Il est le Fils de Dieu qui est “venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus”. Nous sommes envoyés pour témoigner par notre vie et nos paroles de Celui qui nous habite. Nous contribuons à bâtir ce monde nouveau que Jésus appelle le Royaume de Dieu ; dans ce Royaume, l’écoute de l’autre, l’entraide, la solidarité, le soutien aux autres, la visite aux malades sont prioritaires. C’est Jésus lui-même qui nous le dit : “Tout ce que vous avez ait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait” (Mt 25, 40).
Nous, disciples du Christ, nous sommes donc envoyés. Mais nous ne devons pas oublier que nous ne sommes pas notre propre source : nous ne parlons pas, nous n’agissons pas en notre nom. Nous ne devons pas nous enorgueillir de l’accueil qui est fait à notre témoignage. En effet, c’est Dieu qui agit dans le cœur ce ceux et celles qu’il met sur notre route. Nous devons donc rester très humbles car sans Jésus, rien n’aurait été possible. Le rôle de l’Église, notre rôle à tous, c’est précisément d’accueillir tous ceux et celles qui se sentent attirés par lui. C’est à ces qualités d’accueil que nous serons reconnus comme disciples du Christ.
Le dimanche, nous sommes réunis pour l’Eucharistie ; c’est Dieu qui nous accueille en sa maison. Il nous invite à son festin. Et à la fin de chaque messe, il nous envoie pour témoigner dans le monde de cet amour gratuit toujours offert. Les occasions ne manquent pas où nous pouvons rendre les autres plus heureux. Ne les manquons pas. À travers eux, c’est le Seigneur qui frappe à notre porte.
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Sources : Revues Feu Nouveau, Fiches dominicales, Cahiers de Prions en Église, Homélies de l’année liturgique À (Simon Faivre), Guide Emmaüs des dimanches et Fêtes À (JP Bagot), Pensées sur l’Évangile de saint Matthieu (Christoph Schönborn)
Une fois de plus, l’Évangile nous surprend. La requête de Jésus aujourd’hui a de quoi nous étonner. Évoquant l’appel proclamé dans le Deutéronome, ‘Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur…’ (Dt 6:4) ses propos sont plus intransigeants : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi. » Une Parole qui décoiffe !…
Cela suppose-t-il que l’affection familiale entre en conflit avec la fidélité que nous devons à Dieu ? Aimer sa famille devient-il un obstacle à notre communion avec Lui ? Certainement pas !… Le message d’Amour est l’épine dorsale de l’enseignement du Christ. Jésus a toujours insisté sur le lien indissoluble entre l’amour de Dieu et celui du prochain, à plus forte raison l’affection pour sa propre famille. Dans l’Évangile de saint Marc, Jésus a vertement dénoncé l’hypocrisie des pharisiens qui, sous prétexte de servir Dieu, évitent d’assister leurs parents : « Moïse a dit : ‘Honore ton père et ta mère.’ Et encore : ‘Celui qui maudit son père ou sa mère sera mis à mort.’ Mais vous, vous dites : Si un homme déclare à son père ou à sa mère : ‘Les ressources qui m’auraient permis de t’aider sont réservés à Dieu’, alors vous ne l’autorisez plus à faire quoi que ce soit pour son père ou sa mère ; vous annulez ainsi la parole de Dieu par la tradition que vous transmettez. » (Mc 7:11-13)
Jésus reste profondément attaché à l’amour familial. Et c’est en ce sens que saint Paul cite le verset de l’Exode (Ex 20:12) pour rappeler aux éphésiens leur devoir envers les parents : « Vous, les enfants, obéissez à vos parents dans le Seigneur, car c’est cela qui est juste : ‘Honore ton père et ta mère.’ C’est le premier commandement qui soit assorti d’une promesse : ‘Ainsi tu seras heureux et tu auras longue vie sur la terre.’ » (Ep 6:1-3) Aux Colossiens, il exhorte : « Enfants, obéissez à vos parents en toutes choses, car cela est agréable dans le Seigneur. » (Col 3:20) Cependant, tout amour terrestre, même le plus légitime et le plus pur, est subordonné à l’attachement à Dieu. S’agissant de son message d’aujourd’hui, loin d’exclure ce qui est une réalité fondamentale de la vie humaine, Jésus nous invite à ne pas limiter notre cœur au strict cercle familial mais à donner priorité à la relation qui donne du sens à toutes les autres. La foi nous ouvre le chemin vers le vrai Amour.
L’amour pour Dieu et la charité envers le prochain restent indissociables. C’est le signe distinctif d’un vrai disciple du Christ : « Je vous donne un commandement nouveau : Aimez-vous les uns les autres ; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. À ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » (Jn 13:34-35) Jésus nous ramène au concret de son message : « Celui qui donnera à boire, même un simple verre d’eau fraîche, à l’un de ces petits en sa qualité de disciple, amen, je vous le dis : non, il ne perdra pas sa récompense. » (Mt 10:42) Il nous invite à Le découvrir chez notre prochain. « En vérité, je vous le dis, dans la mesure où vous avez fait cela à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Mt 25:40)
‘Aimer Dieu’ se manifeste dans la chaleur humaine envers le prochain, à fortiori se doit-on à sa propre famille. Nous installons ainsi le Royaume de Dieu parmi nous. Saint Jean nous rappelle cette vérité fondamentale : « Si quelqu’un dit : J’aime Dieu et qu’il déteste son frère, c’est un menteur. » (1 Jn 4:20) Il nous recommande de mettre en pratique notre foi : « Si quelqu’un possède les biens du monde, qu’il voie son frère dans le besoin et qu’il lui ferme son cœur, comment l’amour de Dieu demeurera-t-il en lui ? Petits enfants, n’aimons pas en parole ni avec la langue, mais en action et en vérité. » (1 Jean 3:17-18)
C’est ainsi que le message du Christ dans l’Évangile d’aujourd’hui a incité de nombreuses personnes à entraîner les membres de leur famille à ouvrir largement leur cœur au service des autres.
Nguyễn Thế Cường Jacques